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CAN 2023 : Spécial Côte d'Ivoire

« […] La chose la plus difficile que nous ayons, c’est que nous étions seuls, s’exclame Max-Alain Gradel, face à notre destin. Nous étions pris entre le choc de la défaite [4 à 0 contre la Guinée équatoriale] et celui de la colère de nos supporters. En dehors de nos familles, tout le monde nous avait tourné le dos. Plus personne ne cherchait à nous rencontrer, à nous appeler où même à prendre de nos nouvelles. M. Idriss Diallo nous demandait de garder la foi, de s’accrocher à la petite lueur d’espoir, de qualification qui existait.  […] » Extrait du discours solennel prononcé par le capitaine des Éléphants de Côte d’Ivoire, néo-champions d’Afrique depuis le 11 février dernier.

Des supporters, des internautes, beaucoup de personnes se sont alors familièrement demandé : « C’est quel discours Gradel est en train d’envoyer là ? » Ou plus simplement : « C’est quelle discorde il est en train de créer là ? »



Alors que d’autres se demandaient encore : «  Qui a mis huile sur riz de Zaha ? », certains souhaitent savoir : « Qui a écrit le discours ? » Comment l’expérimenté capitaine de la Séléphanto a pu s’adresser ainsi à des compatriotes qui ont souvent remué ciel et terre pour pouvoir obtenir un ticket ?


Et si depuis il a présenté des excuses à ceux qu’il a offensés, l’histoire retiendra qu’il a d’abord envoyé discours. Plus de détails, par ici.


CAN 2023 : ET MAX-ALAIN GRADEL ENVOYA DISCOURS
Vraie question. Tous droits réservés

LA CAN 2023 EN POCHE, QUI VA ENVOYER DISCOURS MAINTENANT ?

L’horloge du stade Ebimpé, plein à craquer, avec ces marches sur lesquelles des spectateurs se sont assis faute de place, affiche 21 heures et 58 minutes quand M. Dahane Bedia, l’arbitre de cette finale Nigéria – Côte d’Ivoire siffle enfin la fin de la rencontre. Le stade Alassane Ouattara, ou « Stado » pour les initiés, explose.

On se saute dans les bras, se congratule, se fait des atou[1]. Tout le monde, il est heureux !


Une fois, l’étape du pèlerinage retour passée, avec son lot d’embouteillages pour la plupart, moins pénibles à supporter avec le goût mielleux de la victoire en bouche, une fois Ebimpé derrière, certains ayant préféré le bus retrouvent leur voiture garée au point de ralliement. Avant d’y aller, d’autres se restaurent, boivent, discutent, débriefent. Dans ce fast-food situé quelque part à la Palmeraie, et sa décoration façon restaurant américain avec ses sièges qui font face à une cuisine américaine, et son propriétaire un peu trop sur les nerfs, personne ne réalise encore ce qu’il a vécu : les Éléphants de Côte d’Ivoire, au bord de l’élimination, sont champions d’Afrique. Alors forcément, ça descend en coup du marteau ; hymne officieux de la CAN 2023 depuis devenu hymne à la joie.



Trompettes et klaxons de voitures qui roulent à une certaine allure ramènent de temps à autre tous ces doux rêveurs sur terre. Idem pour ces jeunes hommes surexcités qui parlent à voix haute, mélangent onomatopées et cris de guerre. Si fort qu’on n’entend plus le crépitement des morceaux de charbon qui braisent les derniers poissons et poulets commandés par des retardataires dont le ventre crie famine.

Ce soir, personne n’envoie discours. Ce soir, Abidjan célèbre ces champions d’Afrique.  Finis les palabres, bonjour la paix. Enfin ça, c’était avant que Max-Alain Gradel ne s’exprime de cette manière.




APRÈS LA CAN 2023, AINSI PARLA MAX-ALAIN GRADEL

CAN 2023 : ET MAX-ALAIN GRADEL ENVOYA DISCOURS
Voilà discours maintenant. Tous droits réservés

Le plus dérangeant dans le discours prononcé par Max-Alain Gradel démarré par des salutations « en vos rangs, grades et qualités », avant la citation d’un proverbe japonais, ce n’est pas tellement qu’il en fait un. Mais c’est plutôt son contenu et les personnes visées.


Comment peut-on autant nier le dévouement de personnes qui ont tout fait pour aller les supporter ? Quitte à se lever pour acheter ticket de 5 000 à 99 millions, après avoir fait le pied de grue devant un bureau de la Poste.





Quitte à partir en bus, en convoi ou encore même dans de véhicules de parfaits inconnus, contre rémunération bien sûr (25 000 francs CFA parfois) qui n’avaient d’autre que comme identité : celle de supporter de la Côte d’Ivoire.



Que ce soit au stade Charles Konan Banny, à Yamoussoukro où nous étions un peu plus de 19 000 personnes ou encore au stade de la Paix, à Bouaké, où il y avait 39 836 spectateurs qui ont assisté au second miracle ivoirien ou plus récemment où 51 020 spectateurs ont vu la Côte d’Ivoire composter son ticket pour la CAN 2023, avec toutes « Les 9900 là même, ça suffisait pas ! », a admis ce chauffeur VTC qui ce fameux-là, ce mercredi 7 février, était parmi les victimes impuissantes sur l’échangeur Y4.


Pour rappel, il s’agit d’une voie de contournement d’Abidjan qui part notamment de l’aéroport Félix Houphouët-Boigny jusqu’à Ebimpé. Cimetière des Éléphants autrefois depuis redevenue depuis « terre d’espérance avec ces légions remplies de vaillance qui ont relevé sa dignité ».



Comment Max-Alain Gradel a-t-il pour oublier ces laissés pour compte, ces fans qui faute de ticket ont opté pour des fans zone ou plutôt le salon pour regarder leurs pachydermes préférés ?

Comment a-t-il pu autant taper poteau, se tromper ? Aux dernières nouvelles, ce ne seraient pas ses propos mais plutôt ceux de quelqu’un qui chercherait à se faire apprécier par l’opinion publique. CQFD.

L’EAU VERSÉE PAR TERRE, MAX-ALAIN GRADEL ESSAYE DE LA RAMASSER

Depuis son discours au palais présidentiel, le numéro 15 des Éléphants, remplaçant au début de la compétition et titulaire depuis la prise en main d’Emerse Faé et Guy Demel, a présenté des excuses :

- sur son compte Facebook,



- mais aussi sur le plateau de la Radiotélévision Ivoirienne ou RTI.

« Effectivement, je pense que concernant ça, répond à la question du journaliste sur le soutien des supporters, lors de mon discours à la Présidence…mon discours était plus accentué sur le soir où est-ce qu’on avait perdu 4 – 0, où je disais qu’on s’est senti seul. Mais ça ne reflète pas la mobilisation de tout le peuple parce que ça s’est vu même après chaque match. J’ai pas manqué de souligner l’apport du peuple, des supporters… »

Avant de poursuivre : « Effectivement donc pour dire que si mes propos n’ont pas plu, ont été mal interprétés, je présente mes excuses. Mais je pense que ça faisait juste allusion à la soirée qu’on a vécue et ce qui est tout à fait normal : le peuple n’était pas content. Mais franchement, on a senti que c’était la meilleure CAN ! Parce que tout le peuple s’est levé. Et même pour le match contre le Mali, je n’ai pas manqué de dire : " On était à dix, on n’a pas senti qu’on était dix. Parce que le peuple s’est levé…ʺ […] Vraiment merci à toute la Côte d’Ivoire. »



Nous aussi, nous nous sommes sentis seuls sur le chemin retour après mise par la Guinée équatoriale et Emilio Nsué, qui a révélé les raisons de sa récente exclusion, quand les navettes spéciales qui desservent peu de quartiers étaient prises d’assaut, quand le gaz lacrymogène utilisé pour disperser des jeunes gens en colère piquait les yeux, quand il a fallu courir pour éviter de se faire charger par cette même foule fâchée, etc.



Nous nous sommes sentis seuls, aussi. Mais ce n’est rien, absolument rien par rapport à cette maman qui a perdu son fils ce même soir-là.



Après que la vidéo soit devenue virale, elle a donc reçu la visite de Max-Alain Gradel, qui avait déjà tendu la main à un jeune vendeur d’eau dont le combat quotidien pour s’en sortir avait ému la toile et Brut.



À quelque chose malheur est bon.


Dommage que Max-Alain Gradel ait d’abord envoyé discours : « […] La chose la plus difficile que nous ayons, c’est que nous étions seuls, s’exclame Max-Alain Gradel, face à notre destin. Nous étions pris entre le choc de la défaite [4 à 0 contre la Guinée équatoriale] et celui de la colère de nos supporters. En dehors de nos familles, tout le monde nous avait tourné le dos. Plus personne ne cherchait à nous rencontrer, à nous appeler où même à prendre de nos nouvelles. M. Idriss Diallo nous demandait de garder la foi, de s’accrocher à la petite lueur d’espoir, de qualification qui existait.  […] »



[1] Accolade.

Dernière mise à jour : 7 avr. 2024

« Pour avoir nourriture aussi, c’est comme ticket. », plaisante ce monsieur chauve vêtu d’un maillot Orange ; celui des Éléphants de Côte d’Ivoire en attendant que sa commande soit prise. Il fait partie des élus, « des enfants préférés de Dieu » : ceux qui ont eu la chance de faire partie des 57 094 spectateurs présents au stade Alassane Ouattara avec cette billetterie plus aléatoire que la loterie.

Alors forcément, il sait de quoi il parle. Il fallait y être au « Stado » (contraction de Stade et Alassane Ouattara) ce dimanche 11 février 2024. Ce jour où la Côte d’Ivoire a décroché une nouvelle étoile, après remporté la guerre de trois. Jour de fête.



AVANT QUE LA CÔTE D’IVOIRE NE JOUE, LES NERFS SONT TENDUS

La très mauvaise expérience que certains ont vécue, avec la demi-finale Côte d’Ivoire – République Démocratique du Congo suivie depuis leur véhicule coincé dans des embouteillages monstres & (bonne) Cie, a servi de leçon à d’autres.


Ceux qui ont décidé – comme nous – d’emprunter un car plutôt que de se rendre avec sa voiture. L’homme prudent voit le mal de loin.



Au loin, une fois le trajet express effectué, on aperçoit le stade olympique d’Ebimpé et surtout les premiers spectateurs qui viennent par vagues, par packs de six, huit, etc. Histoire de déverser une marée Orange sur le Nigeria. Orange Is The New Black. 



EAU SECOURS

Premiers arrivés, premiers servis par des jeunes hommes et femmes débordés par les commandes. Très vite, dans les différents points de vente épousant la forme circulaire du stade, il n’y a plus d’eau, ni tous les jus inscrits sur les menus plastifiés. C’est qu’il y en a du monde aujourd’hui au Stado.


Ainsi dans les allées, déambulent des amis qui ne se sont pas vus depuis, tapent la bise lorsqu’ils se rencontrent. Quand ils ne se prennent pas dans les bras.

Et pendant ce temps-là, rares sont ceux qui en ont encore plein le dos des flocages tous plus originaux les uns que les autres. Petit défilé d'une mode.



QUI VA À LA CHASSE PERD SA PLACE

Dans les travées, c’est une tout autre histoire, peu de temps avant que la cérémonie de clôture avec Alpha Blondy qui ouvre le bal des artistes, suivit par Roselyne Layo, Serge Beynaud, Didi B, Tam Sir, on the beat, et la Team Payia, des fans ont la bonne idée de disputer.



Devant nous, dans le bloc 113, un jeune homme aux faux airs de Trevante Rhodes, accompagné de sa compagne, réclame qu’on lui restitue sa place qui est occupée par une autre personne.




Gbagbo, serviette blanche donc autour du cou, le fautif ne cède pas. Les minutes passent, les langues se délient, des tête-à-tête en veux-tu, en voilà sans qu’on sache qui paie le premier date.



Les différentes interventions des volontaires et stadiers, tantôt pacifiques, Océan, tantôt énergiques, n’y changent rien.

Finalement, le détournement d’attention pour poser les yeux sur la cérémonie d’ouverture calme les hostilités dans ces travées-là du moins. Tandis que dans d’autres blocs, des spectateurs sont assis sur les marches, des fans nigérians, ne parlant pas français, comptent sur une âme charitable pour les aider à trouver leurs places prises d’assaut par des personnes qui auraient forcé leur entrée dans le stade selon nos informations en forçant les tourniquets.



Ces nerfs tendus, Victor Osimhen et le Nigéria les ont eus aussi avant de craquer ; eux qui avaient pourtant ouvert le score à la 38ème minute de jeu par leur capitaine Troost-Ekong.

LE NIGERIA MÈNE LA CÔTE D’IVOIRE CONTRE LE COURS DE JEU

LA CÔTE D’IVOIRE REMPORTE SA GUERRE DE TROIS
In Ekong, they Troost. Tous droits réservés

Avant cette fameuse 38ème minute de jeu, d’un match disputé, la Côte d’Ivoire domine. Disposée en 4 – 1 – 4 – 1, la Séléphanto domine les débats physiquement notamment avec pour symbole le duel entre Victor Osimhen et Evan Ndicka ; qui l’a mis dans sa poche.



26ème minute de jeu. Discours, petit palabre, entre les deux joueurs évoluant dans le Calcio. Osimhen semble se plaindre d’un coup de coude qu’il aurait reçu en plein duel aérien tandis que Ndicka lui condamne avec la dernière énergie onusienne ces accusations.


LA CÔTE D’IVOIRE REMPORTE SA GUERRE DE TROIS
" Tu cries sur qui ? " Tous droits réservés

S’inspirant de son joueur vedette, José Peseiro, le coach portugais des Super Eagles, reçoit un carton jaune pour l’ensemble de sa performance.

D’ailleurs, à de multiples reprises, l’homme en veste, jeans et sneakers de ville, bien aidé par son staff, passe le plus clair de son temps à pester contre l’arbitrage et ses joueurs qui sont méconnaissables et nerveux. Et pourtant, la frappe de Seko (13ème minute), le retourné de Gradel (20ème) et enfin le face-à-face de Simon Adingra n’ont pas encore fait céder la défense nigériane dirigée d’une main de fer, ce qu’il veut, par Troost-Ekong.

Sur un corner prolongé, Troost-Ekong, et ses 191 centimètres, prend le dessus sur Serge Aurier qui culmine à 1m74.

Du stade, la différence est encore plus palpable et le résultat forcément implacable. Nigeria 1 – Côte d’Ivoire 0. C’est le même qui avait inscrit le but victorieux lors de la rencontre de poule.

Les « Levez-vous, levez-vous », nouveau chant de supporter débloquer, en pleine finale, ne résonnent plus dans le stade garni. Les cerveaux des plus inquiets carburent à l’unisson.


Des supporters nigérians, eux, font péter le son, appellent leurs amis noyés dans la foule pour s’auto-congratuler.



HALLER-LÀ, LA CÔTE D’IVOIRE EST CHAMPIONNE D’AFRIQUE

Depuis la qualification obtenue via la victoire du Maroc sur la Zambie, un premier signe, puis le coup du marteau sur le Sénégal et ensuite le second miracle ivoirien face au Mali, les Ivoiriens certes savent que leur équipe a les ressources morales mais cela ne les empêche absolument de stresser surtout quand le chronomètre de M. Dahane Bedia file.

La seconde mi-temps démarre comme la seconde avait commencé : la Côte d’Ivoire attaque et le Nigeria défend plutôt bien d’ailleurs puisque Nwabali plonge bien sur la tentative de Max-Alain Gradel. Avant d’aller s’embrouiller inutilement avec Serge Aurier.


LA CÔTE D’IVOIRE REMPORTE SA GUERRE DE TROIS
L'énerver; vous n'Aurier pas du. Tous droits réservés


Les deux joueurs sont avertis. Mais ça ne les empêche pas de continuer à s’invectiver. Troost-Ekong a beau tenter de calmer les nerfs de son gardien, il n’écoute pas tout de suite mais finit par se calmer.


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Nwabali aura fini par taper poteau. Tous droits réservés

Le calme, c’est Franck Kessié qui le lui apporte à la 63ème minute de jeu.


Dépassement de fonction d’Odilon Kossounou, lui aussi impérial hier soir, qui avance, avance avant de voir sa frappe détournée en corner. Sur l’action qui suit, le corner donc, Simon Adingra, en feu lui aussi, trouve Franck Kessié. La panthère de Zebizekou, village du centre ouest de la Côte d’Ivoire, met encore une fois sa patte sur la rencontre avec une égalisation de la tête, cette fois-ci. Nigeria 1 – Côte d’Ivoire 1.



Franck Kessié court vers les supporters pour célébrer avec sa marque de fabrique, et son salut militaire ; hommage à son père décédé.



Maintenant, José Peseiro a des raisons de s’agiter dans son rectangle vert.


LA CÔTE D’IVOIRE REMPORTE SA GUERRE DE TROIS
Simon Adingra a montré la voix. Tous droits réservés

80ème minute. Simon Adingra dans ses œuvres, à tel point qu'il a été élu homme du match puis meilleur jeune de la compétition, dépose Aina avant de centrer. Sébastien Haller, s’est déjà procuré des occasions pendant le match, sait qu’il ne doit pas manquer celle-ci. Alors, l’avant-centre tressé passe devant Troost-Ekong, lui grille la politesse avant de dévier le ballon d’un geste zlatanesque : une déviation en extension. Nigeria 1 – Côte d’Ivoire 2.


LA CÔTE D’IVOIRE REMPORTE SA GUERRE DE TROIS
Haller-là, c'est Sébastien qui est bon. Tous droits réservés

Ebimpé explose une première puis une seconde fois au bout d’un long temps additionnel, les 7 plus longues minutes de ta vie, l’arbitre siffle la fin de la rencontre. La Côte d’Ivoire remporte ainsi la guerre de trois, face à un Nigeria qui en a trois dans sa vitrine, et décroche ainsi sa troisième étoile.


Certains pleurent, d’autres encore s’agrippent si dangereusement à la rambarde, qu’ils créent une petite frayeur chez les autres. Plus de peur que de mal. L’agité en rouge et noir, façon NST Cophie’s a fini de réciter son alphabet musical. Avant que le DJ du Stado ne prenne le relais : Coup du marteau sur nous, Bab Lee sous les cocotiers aussi, etc.


Ça coupe, ça décale dans les travées qui sont moins encombrées, avec des spectateurs partis avant les célébrations que des politiciens se sont un peu trop accaparé. Personne par contre ne « vole » la célébration des joueurs, des champions d’Afrique ivoirien qui font le tour du stade.


Et pendant ce temps-là, Kader Keïta lui porte en triomphe Emerse Faé.





Si on t’avait dit après la déculottée prise face à la Guinée équatoriale, avec cet Emilio Nsué, récompensé par son titre de meilleur buteur, avec un compteur bloqué à 5 buts, après l’élimination de son équipe nationale, que c’est lui, Emerse Faé, l’homme qui a du arrêter sa carrière à 28 ans pour cause de phlébite, tu aurais : « Tu mens, c’est faux !  »


Si on t’avait dit que la Côte d’Ivoire, défaite, tapie dans l’ombre mais qui a quand même offert son hospitalité à toutes ces équipes, dont la plupart des ressortissants vivent ici, aurait remporté la CAN 2023, tu aurais dit : « Tu mens, c’est faux ! »


Si on t'avait dit que le public ivoirien a scandé le nom de Victor Osimhen après l'avoir chahuté pendant le match, alors qu'il attendait sagement la remise du trophée, tu aurais dit : « Tu mens, c’est faux ! »


LA CÔTE D’IVOIRE REMPORTE SA GUERRE DE TROIS

Tu aurais redit la même chose si quelqu’un d’autre t’avait : « Pour avoir nourriture aussi, c’est comme ticket. »



« […] Ils n’ont qu’à libérer les tickets nous on va regarder notre match. Ils vont venir prendre en gros pour aller vendre, pourquoi ? Y a des gens qui vendent les tickets de 5 000 à 99 millions. Pourquoi ? », balance un jeune supporter des Éléphants de Côte d’Ivoire en colère au micro de Brut Afrique.

Pendant que des lunettes noires sabrent son visage, que des poils tracent un sillon noir sur ses joues, un autre, lui aussi à la recherche du précieux sésame, du ticket pour voir Côte d’Ivoire – République Démocratique du Congo, remporté par les Ivoiriens, face à l’énormité, rétorque : « Ah vieux ? »

 


Depuis la séquence virale est devenue culte. On se la refile en inbox entre amateurs de meme et autres running gags. Entre amoureux du ballon rang en général et des Éléphants de Côte d’Ivoire, ce sont bien les seules choses qu’on peut se passer. À défaut de tickets.


Oui tout au long de cette CAN 2023, qui touche à sa fin, avec la finale Nigeria – Côte d’Ivoire, la billetterie est le plus gros noir. Le genre qu’aucun institut de beauté abidjanais ne pourrait le faire partir. Focus sur ces parcours du combattant : mon ticket, mon combat.


CAN 2023 : MON TICKET, MON COMBAT
Fast & Furious. Tous droits réservés

QUI A ACHETÉ TOUS LES TICKETS LÀ?

« Qui a mis l’eau dans coco ? », question tout sauf à la noix, « Qui a gagné les élections de 2010 ? », question qui permettait autrefois de connaître directement le bord politique de son vis-à-vis bombé, et plus récemment « Qui a tué le chauffeur Yango ? », cri de cœur pour dénoncer l’impunité dont certains bénéficient parfois selon le FC Conspirationiste, et depuis peu : « Qui a mis huile sur riz de Zaha ? », etc.



En Côte d’Ivoire, des questions sont posées sans réponse. Et la dernière en date, celle qui est sur toutes les lèvres, c’est : « Qui a acheté les tickets là ? »

Cette interrogation, ils sont nombreux à l’avoir posée le plus souvent à la Poste devenu théâtre des rêves. Parce que la CAN, « la meilleure de toute l’histoire de la CAF » selon Patrice Motsepe, le président même de l’organisation qui chapeaute le football africain, attire/attise/suscite les convoitises.

CASSE TÊTE POUR MONSIEUR ET MADAME TOUT-LE-MONDE

Tout le monde veut y aller, sentir l’ambiance des grands soirs, Nigeria – Cameroun, le parfum de la victoire, des Eléphants de Côte d’Ivoire contre les futurs ex-tenants du titre sénégalais, et pouvoir ensuite rentrer sain sauf après le long pèlerinage depuis Ebimpé ; interrompu par des émeutes post match contre la Guinée équatoriale.


CAN 2023 : MON TICKET, MON COMBAT
La défaite avait laissé des traces.

Tout le monde sauf ceux qui refusent de crier, encourager, maudire, encourager, bénir, leur équipe en général et la Séléphanto en particulier. Âmes sensibles s’abstenir.

Et c’est là où le bât blesse : le problème des tickets introuvables semble surtout être concentré autour de l’équipe nationale ivoirienne.

À chaque match des hommes d’Emerse Faé, surtout depuis qu’il a superbement repris l’équipe après le départ de Jean-Louis Gasset, c’est la même gymnastique.

Direction le bureau de poste le plus proche pour en avoir un. Ou plutôt tenter d’en avoir un.

AUCUN TICKET NE PASSE COMME UNE LETTRE À LA POSTE

CAN 2023 : MON TICKET, MON COMBAT
Confiance d'accord mais prudence d'abord. Tous droits réservés

Bien qu’elle soit un passage obligé dans le cadre des démarches administratives éreintantes, la Poste n’est pas le service public ivoirien le plus fréquenté. Loin de là. Les compagnies d’eau et d’électricité, avec ces clients qui tels des bacheliers, attendent sous une bâche, avant qu’un gardien zélé ne fasse passer un autre avant eux, lui rient au nez.

Sauf que ces derniers temps, depuis le démarrage de la CAN le 13 janvier dernier, avec une victoire de la Côte d’Ivoire face à la Guinée-Bissau, c’est un lieu de pèlerinage.

Jeunes hommes au visage barré donc, mais aussi jeunes femmes ou encore vieux pères, etc. Nombreux sont ceux qui y vont le plus souvent pour le même résultat : taper poteau, en voulant acheter un ou plusieurs tickets.


UNE DÉFAITE POUR DÉMARRER

Revenu bredouille mais sourire aux lèvres, qui se lit nettement dans ces notes vocales Instagram, tout le monde il est beau, ce jeune homme - dont nous avons décidé automatiquement de préserver l'anonymat - accepté de raconter sa mésaventure :

« […] Moi au départ j’étais pas tellement hypé par le fait d’aller. Je me disais qu’il allait y avoir des bousculades. […] Je me disais que ça ne servait à rien d’aller là-bas. »

Ça, c’était avant qu’un de ses amis ne lui offre un ticket. Sois béni, le frère.




« Je suis allé au match des Éléphants où on a perdu 4-0 face à la Guinée équatoriale, remuant le couteau dans la plaie à peine guérie. C’était mon premier match. Donc je vais, on perd 4 – 0. Mais à part ça, je trouve que l’ambiance est assez cool donc après je commence à chercher les tickets partout. Mais où ça a commencé à se compliquer, c’est où on a passé la phase de poules. Là, c’est devenu grave c’est-à-dire que le site Internet ne marche plus. Tu t’en vas sur le site, ça charge des 59 minutes. Ça finit, ça relance 59 minutes. »


UN 59 OU RIEN

Pour avoir été sur l’application Akwaba CI puis clique sur l’option acheter un ticket, tu sais exactement de quoi il s’agit. Idem pour tous ceux qui ont déjà essayé d’acheter un ticket pour la CAN en ligne.

Lorsque tu te connectes, la barre de téléchargement se remplit tandis que le temps avant l’ouverture de la session d’achat, lui, descend progressivement. Puis quand il ne reste plus qu’une minute, beaucoup sont systématiquement renvoyés au point de départ, aux fameuses 59 minutes.


Vendredi 9 février, tu en as fait l’amère expérience entre 9 heures et 16 heures. Résultat : zéro sur toute la ligne.

« Ça finit ça relance les 59 minutes. Donc la solution c’est d’aller dans les points de vente physique. », reprend le jeune passionné de football.

Et dans ces fameux points de vente physique, c’est un autre championnat, un autre niveau.


« […] Huitième [de finale, NDLR] déjà, je n’ai même pas eu. Mais à chaque fois quand tu vas, le processus est simple. Tu t’en vas à 8 heures. On te dit : " Mettez-vos noms sur liste." À partir de 11 heures, la liste là, elle est caduque. On l’utilise plus. Y a des policiers qui viennent encadrer le coin. Les policiers qui viennent encadrer-là, au final quand ils sont là, les choses devraient plus avancer. Mais, ce sont les même choses. On traîne. Vers 15 heures, on commence à te dire la machine ne marche plus. À 17 heures, on te dit : " Y a plus tickets ! " Et ça, c’est tout le temps. »


Avant d’ajouter : « Et y a un prétexte qui vient tout le temps : " Y a pas réseau ! " Comment y a pas réseau ? Quel réseau, ils utilisent que non on n’a pas parce que nous, on est arrêté dans le rang, revivant la scène. Nous, on a connexion pour parler sur groupe WhatsApp. Mais c’est quelle connexion, ils utilisent et puis on a pas ? »

Oui, quel genre de connexion faut-il utiliser pour obtenir finalement un ticket ?


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Le message est clair. Tous droits réservés.

MON TICKET, MON COMBAT : UNE AFFAIRE DE RÉSEAUX

Dans un pays où relation est mieux que diplôme, il semblerait que cela s’applique aussi dans le processus d’obtention de ticket. Il y a ceux qui réactivent des liens d’amitié autrefois solides, ceux à qui on vient demander : « Tu n’as pas réseau de ticket ? », flattant au passage leur égo et puis ceux qui passent les mesures-barrière, et le COCAN qui a tenté de détourner le circuit préférentiel des revendeurs en mettant uniquement en ligne les tickets pour la finale particulièrement.

Mais ça n’a rien changé. Bien contraire. Et chacun y va de sa théorie. Si certaines sont plus souvent tirées par les cheveux qu’une coiffeuse mal formée qui tente de peigner des cheveux naturels, d’autres semblent tenir la route.

FOOTBALLEUR AUSSI TAPE POTEAU

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Arouna Koné affaire de ballon et de tickets là. Tous droits réservés

Ainsi l’ancien international ivoirien Arouna Koné passé notamment par le PSV Eindhoven mais aussi Séville et Everton a récemment mis en ligne une vidéo.


« […] Ceux qui vont faire les rangs dans les points de ventes de tickets, ne vous fatiguez pas. Y pas ticket, hein. Moi-même, on m’appelle, on  me demande ticket. Je dis y en a pas. Depuis les quarts de finale, c’est-à-dire depuis la Côte d’Ivoire a gagné le Sénégal, les gens ont commencé à comprendre qu’on dirait que les Éléphants vont aller en finale hein. Donc ils ont commencé à réquisitionner les tickets. Et ces gens-là, ce sont les politiques hein, les hommes politiques avec les chefs d’entreprises et autres là. Sinon comment vous pouvez expliquer que depuis les quarts de finale, le site même la CAF on achète ticket, ça ne marche pas ? »

Avant d’en rajouter encore : « Moi tous les jours, je vais sur le site-là, d’une voix toujours calme et posée. Tous les jours ! On te donne un délai de 30 minutes. Quand les 30 minutes arrivent, on prolonge encore une heure. […] »



Si les faits énoncés par Arouna Koné sont laissés à l’appréciation souveraine de tous, il n’en demeure pas moins qu’il y a quelque chose de pourri au royaume de la billetterie. Notamment chez les revendeurs.


L’INJUSTE PRIX

Depuis que les Éléphants de Côte d’Ivoire trébuchent et se relèvent pour marcher sur leur adversaire, il y a une envie légitime de prendre part à la fête. Idem pour les autres pays dont la plupart des ressortissants vivent ici. Que ce soient les beaux-parents camerounais, les cousins sénégalais, les brudda nigérians, etc. Et si tout le monde est bien logé à la même enseigne, ce n’est pas le cas pour les tickets.

Sur des réseaux sociaux, dans des groupes, des personnes revendent des tickets à des prix tellement indécents que c’est incroyable. Ainsi, certains revendeurs proposaient un ticket à 80 000 francs CFA, 100 000 francs CFA l’unité pour voir Côte d’Ivoire – République Démocratique du Congo.

Mais ce n’est rien à ce monsieur qui cherchait et surtout obtenu 150 tickets pour la finale.


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Ce que tu n’as jamais vu, faut pas dire ça n’existe pas.


Que la plupart des ivoiriens soient des late buyers, s’y prennent souvent au dernier moment pour assister à un concert ou un autre évènement dans le genre soit. Que cela favorise éventuellement le pullulement des revendeurs qui ne se cachent même plus, admettons.





Mais le plus triste dans l’histoire, c’est qu’au final, les efforts fournis ne paient pas et que c’est le fan moyen, celui qui veut juste aller au stade, qui paie les pots cassés.

Mi-janvier, le premier ministre Robert Beugré Mambé avait promis de régler le problème de la billetterie au bout de 48 heures quand les premiers mauvais signes étaient alors apparus. Nous sommes le 11 février, et le problème demeure toujours : « Qui a pris les tickets là ? » On ne le saura jamais.


On ne saura jamais non plus : « Qui a mis l’eau dans coco ? », « Qui a gagné les élections de 2010 ? » ou encore « Qui a tué le chauffeur de Yango ?[1] », ou même « Qui a mis huile sur riz de Zaha ? »


Heureusement que dans tout ce capharnaüm, il y a de belles histoires comme celle de supporter déçu/dégba/triste à qui « Tonton Sékou » a finalement offert un billet ; après avoir vu son désarroi sur des réseaux sociaux.




Peut-être qu’il en fera autant pour celui qui a dit : « […] Ils n’ont qu’à libérer les tickets nous on va regarder notre match. Ils vont venir prendre en gros pour aller vendre, pourquoi ? Y a des gens qui vendent les tickets de 5 000 à 99 millions. Pourquoi ? »


[1] Selon nos informations, le coupable a été arrêté depuis. 

 

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